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Malgré l'acquisition du château de Boivre, les activités du Cregs de Poitiers restent pour l'essentiel à Poitiers. Le propriétaire des locaux de la direction du centre, situé au 24 rue de l'Ancienne-Comédie, demande à la Préfecture d'envoyer une sommation à Jean Marot afin que le centre quitte les lieux. Une bataille épistolaire s'engage alors entre le directeur Marot, appuyé par le Commissariat, et M. de la Martinière<ref>3371W1, Lettres des 28 septembre et 6 novembre 1942, de Jean Marot adressées au Préfet de la Vienne.</ref>. L'argument principal à la défense du centre est que M. Boisdron n'a toujours pas quitté le domaine de Boivre, retardant ainsi le début des travaux et l'installation dans les locaux.  
Malgré l'acquisition du château de Boivre, les activités du Cregs de Poitiers restent pour l'essentiel à Poitiers. Le propriétaire des locaux de la direction du centre, situé au 24 rue de l'Ancienne-Comédie, demande à la Préfecture d'envoyer une sommation à Jean Marot afin que le centre quitte les lieux. Une bataille épistolaire s'engage alors entre le directeur Marot, appuyé par le Commissariat, et M. de la Martinière<ref>3371W1, Lettres des 28 septembre et 6 novembre 1942, de Jean Marot adressées au Préfet de la Vienne.</ref>. L'argument principal à la défense du centre est que M. Boisdron n'a toujours pas quitté le domaine de Boivre, retardant ainsi le début des travaux et l'installation dans les locaux.  


Nous n'avons pas de témoignages de stagiaires ou d'enseignants de l'époque sur cette période de déménagement vers Boivre. Néanmoins, les livres de compte nous permettent de voir que le nouveau domaine a été utilisé dès le stage du printemps 1943. 9 employés supplémentaires ont été recrutés en 1943, venant s'ajouter aux 18 présents régulièrement. Parmi ces nouveaux employés, on ne retrouve que des des femmes et hommes de service ainsi que des cuisinières et aide-cuisinières. Une concierge est embauchée, sans doute pour gérer l'afflux des stagiaires (qui augmente avec l'acquisition de Boivre et l'accélération de la politique de formation sous le commissariat Pascot<ref name=":2" />) et deux jardiniers à plein temps<ref>AD86, 3371W14, Livres de gages 1943-1947, année 1943</ref>. Des emplois qui étaient loin d'être essentiels avant que le centre commence sont installation à Boivre. Quoiqu'il en soit, la capacité du centre est augmenté avec le domaine de Boivre, mais cette dernière n'est pas pleinement exploitée du fait des difficultés à engager des travaux. Ce qui est probable est que le centre continuait à fonctionner de manière éclatée, avec des stagiaires logés à la fois au château et dans le centre de Poitiers, tout comme l'organisation des activités et des cours<ref name=":2" />.
Nous n'avons pas de témoignages de stagiaires ou d'enseignants de l'époque sur cette période de déménagement vers Boivre. Néanmoins, les livres de compte nous permettent de voir que le nouveau domaine a été utilisé dès le stage du printemps 1943. 9 employés supplémentaires ont été recrutés en 1943, venant s'ajouter aux 18 présents régulièrement. Parmi ces nouveaux employés, on ne retrouve que des des femmes et hommes de service ainsi que des cuisinières et aide-cuisinières. Une concierge est embauchée, sans doute pour gérer l'afflux des stagiaires (qui augmente avec l'acquisition de Boivre et l'accélération de la politique de formation sous le commissariat Pascot) et deux jardiniers à plein temps<ref>AD86, 3371W14, Livres de gages 1943-1947, année 1943</ref>. Des emplois qui étaient loin d'être essentiels avant que le centre commence sont installation à Boivre. Quoiqu'il en soit, la capacité du centre est augmenté avec le domaine de Boivre, mais cette dernière n'est pas pleinement exploitée du fait des difficultés à engager des travaux. Ce qui est probable est que le centre continuait à fonctionner de manière éclatée, avec des stagiaires logés à la fois au château et dans le centre de Poitiers, tout comme l'organisation des activités et des cours<ref name=":2" />.


Les travaux du centre ne seront pas terminés avant la fin des années 1940 et la direction de [[Jean Teissié]]. Grâce aux dommages de guerre, les travaux du centre pourront s'achever et le domaine sera pleinement utilisé, mettant fin définitivement à son éclatement géographique.  
Les travaux du centre ne seront pas terminés avant la fin des années 1940 et la direction de [[Jean Teissié]]. Grâce aux dommages de guerre, les travaux du centre pourront s'achever et le domaine sera pleinement utilisé, mettant fin définitivement à son éclatement géographique.  
==== Le Cregs face aux difficultés de la guerre ====
Le Centre région d'éducation physique et sportive de Poitiers n'échappe à la guerre et à ses restrictions. Plusieurs lettres de Jean Marot évoquent des femmes, employées du centre, qui ont des difficultés depuis que leurs maris sont prisonniers de guerre<ref>AD86, 3371W3, Lettre du 24 avril 1942</ref>. Les contraintes s'observent dans l'approvisionnent du centre, notamment dans les fournitures médicales. La production étant réquisitionné par l'occupant, les produits se font rares et sont donc rationnés. Plusieurs lettres et bons pour de l'alcool (afin de désinfecter les plaies), des bandages ou du matériel de consultation (abaisse-langues,...)<ref>AD86, 3371W1, Lettre du 7 mars 1943 du service d'infirmerie du Cregs.</ref>. Les sources montrent aussi des difficultés dans l'approvisionnement d'équipements sportifs comme des ballons, des chaussures ou des vêtements de sports, néanmoins, elles sont moins nombreuses et moins explicite. Une étude plus poussée et complète des finances du centre pourrait permettre d'en savoir plus sur les dépenses du centre dans ses fournitures et charges.
L'année 1944 est la plus difficile pour le Centre. Début juin, une cinquantaine de soldats allemands s'installent à Boivre.  Marot laisse à l'occupant la partie restaurée du château, le personnel devant se contenter « ''des cuisines, du sous-sol, des étages supérieurs'' (qui n'ont parfois pas de fenêtres ou de plancher) ''ainsi que quelques locaux annexes'' »<ref>AD86, 3371W4, Lettre du 13 juin 1944 de Jean Marot adressée au directeur de l'EGS, Jean Coll de Carrera</ref>. Le directeur de l'établissement prête une attention particulière à la sécurité de son personnel et des stagiaires. Ainsi, le personnel non essentiel à Boivre est rapatrié dans le centre de Poitiers. Celles et ceux ne disposant pas d'un logement, sont accueillis par d'autres personnels, dans leurs logements de fonction, comme celui de l'économe ou du directeur lui-même<ref name=":2" />. Jean Marot reste le plus possible sur le domaine de Boivre pour « ''contrôler l'occupation et éviter les excès qu'elle peut entraîner'' »<ref>AD86, 3371W4, Lettre du 28 juillet 1944 de Jean Marot adressée au directeur de l'EGS, Jean Coll de Carrera</ref>, mais cette présence n'empêchera pas le vol d'une partie de l'équipement neuf du centre : meubles, outillages, linges...
Dans la nuit du 12 au 13 juin, Poitiers et ses alentours sont bombardés par la Royal Air Force, l'aviation britannique. Vers 1h30, une escadrille de 113 bombardiers largue près de 1 800 bombes sur le quartier de la gare de Poitiers et la vallée de Boivre afin de ralentir la montée vers le nord de la division ''Das Reich''<ref>Richard Christian, ''1939-1945 : la guerre aérienne dans la Vienne,'' La Crèche, La Geste, 2009.</ref>. Dans une lettre du 16 juin, Jean Marot revient sur la situation du centre et indique que tous les stagiaires présents « ''ont contribués aux travaux de sauvetages et de déblaiements'' » et que la sécurité des stagiaires n'est plus assurée puisqu'une partie des bâtiments accueillant centre (Institut Bonnafoux, etc.) sont dans les zone sinistrées. Une mise à l'abris des stagiaires, des personnels et de leurs familles est organisée vers le château. Le château sera réquisitionné par la commune de Vounneuil-sous-Biard afin d'y accueillir les sinistrés des environs. Les activités sont donc complètement suspendues<ref name=":2" />. Les sources parlent peu de la période, seulement 3 lettres de Jean Marot.
Avec l'avancée des Alliés, l'armée allemande quitte Poitiers à partir de la fin août 1944. Le 4 septembre, les derniers soldats quittent la région et le 5, Poitiers est libérée par les Forces Françaises de l'Intérieure (FFI). Le groupe ''Jackie'' vient immédiatement occuper le centre et jusqu'en novembre 1944. Ce qui atteste de cette occupation des forces de la Résistance sont les actes de réquisitions et les lettres de réclamation adressées à l'administration a posteriori.
==== Une sortie de conflit floue ====
Les sources entre août 1944 et le décembre 1945 sont peu nombreuses, ce qui est sûr, c'est qu'entre le bombardement de juin 1944 et avril 1945, aucun stage n'est organisé. De plus, un certain [[Liste des directeurs du CREPS de Poitiers|Monteil]] prend la direction du centre. Dans les archives du Creps de Poitiers, nous retrouvons seulement 3 mentions de son nom : le conseil d'administration du 27 décembre 1944 et deux lettres, à propos des réquisitions du centre à l'automne 1944. Jean Marot a sûrement été évincé de son poste. Après la Libération, près de 4 000 fonctionnaires de l'Éducation Nationale sont suspendus, sanctionnés ou encore licenciés pour avoir participé à l'administration du ministère et de ses services, comme le Commissariat générale à l'Éducation générale et aux Sports<ref>Rouquet François, « L'épuration administrative en France après la Libération. Analyse statistique et géographique » dans ''Vingtième siècle. Revue d'Histoire'', 1992, pp. 106-117</ref>. Seule une note de service dans un registre de traitement donne un indice sur la situation du directeur Marot en février 1945 : « ''de moitié, en attente de décision'' ».
Les administrations (inspection d'académie, commissariat,...), dont dépend le Cregs de Poitiers, sont elles aussi dans l'incertitude. Elles se demandent quoi faire, s'il faut continuer à appliquer les lois du régime de Vichy ou bien attendre, les centres vont-ils être maintenus ou supprimés, ces questionnements ont des répercussions dans la gestion du centre qui se retrouve ralentie<ref name=":2" />. La nomination du nouveau directeur, et ancien adjoint de Jean Marot, en avril ou mai 1945<ref>AD86, 3371W2, ''Correspondance (1948-1951),'' Lettre du 3 mai 1945, première à mentionner Jean Teissié comme directeur du centre.</ref>, Jean Teissié, marque un certain retour à la normalité et à la stabilité. En 1946, les Cregs, centres régionaux d'éducation générale et sportive, deviennent Creps, centres régionaux d'éducation physique et sportive, et entrent dans une nouvelle ère.


== Références et sources ==
== Références et sources ==
<references />
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Version du 12 avril 2023 à 16:17

Le Centre régional d'éducation générale et sportive de Poitiers, aussi appelé CREGS de Poitiers, est un centre de formation créé en 1941 par le Régime de Vichy. Il est aujourd'hui connu sous le nom de Centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) de Poitiers.

Histoire

Contexte de création

Les Cregs sont un relais régional du Collège national des moniteurs et athlètes d'Antibes. Poitiers est choisie, avec 8 autres villes de la zone occupée, pour accueillir un centre régional d'éducation générale et sportive (Cregs). La ville est le siège d'une académie, et d'une des plus anciennes universités de France, l'Université de Poitiers, fondée en 1431. Objectif pour le commissariat, installer au moins un centre par académie, et si possible dans une ville possédant un Institut régional d'éducation physique et sportive[1], ce qui n'était pas le cas de Poitiers.

Par une circulaire du 3 mars 1941, le Comissariat général à l'Éducation générale et aux Sports acte la création d'un centre à Poitiers. La direction est confiée à Jean Marot[2], directeur de l'École normale pour instituteurs de Poitiers, installée dans le centre historique de la ville. Le centre de Poitiers, comme ceux des autres villes, doivent accueillir des stagiaires au plus vite, d'ici à la fin de l'été 1941.

Installation et premières activités

Au printemps et à l'été 1941, le Cregs de Poitiers n'est qu'une coquille administrative. Son directeur, Jean Marot, compose son équipe et doit trouver des équipements pour accueillir les stagiaires et les activités de formation. Le centre se retrouve éclaté dans la ville de Poitiers. Les activités sportives se déroulent dans des champs prêtés en périphérie, dans le Parc de Blossac ou encore sur le Stade Paul-Rébailleau, gracieusement prêté par le Stade Poitevin[3]. Les stagiaires sont logés près de l'église Saint-Hilaire, dans l'Institut Bonnafoux, ainsi que les locaux de l'École normale pour les hommes, tandis que les femmes logent à l'École normale d'institutrice et à l'école primaire supérieure. La direction est quant à elle installé rue de l'Ancienne Comédie, près de l'hôtel de ville de Poitiers Les sources témoignent de cet éclatement, notamment le rapport d'installation du 22 juin 1941, évoquant les difficultés de trouver des locaux appropriés, Marot précise même devoir avancer des frais pour le recrutement du personnel ou la location du matériel : « je perds 14 000 francs sur mes émoluments actuels »[4].

Les premiers stagiaires arrivent à la fin du mois d'août pour un stage de trois semaines. Très vite, le nombre de stagiaires augmente et les difficultés s’accumulent : éclatement, manque de moyens et de personnels,...

Le choix du château de Boivre

L'ambition du Comissariat est d'offrir un cadre de formation et d'activité qui puisse permettre l'épanouissement du corps et des esprits, sans être contraint par « un esprit livresque »[1], que dénonce à de nombreuses reprises le Maréchal Pétain. Dès lors, le CGEGS va s'attacher de trouver pour chaque centre un lieu vaste, si possible à l'extérieur des villes et disposant de grandes surfaces aménageables pour les activités physiques et sportives[1].

La première évocation du site de Boivre dans les sources remonte au 24 juillet 1941[4], mais Jean Marot n'y évoque que les lieux qui ont retenus son attention dans un rayon de 20 kilomètres autour de Poitiers. D'autres sites sont évoqués dont celui de Touffenet et un, dont le nom n'est pas précisé, et où la Ville de Poitiers souhaite installer une colonie de vacances. Marot affiche sa préférence pour le site de Boivre : « le projet me semble le meilleur de ce que l'on peut trouver dans la région. Situation, immeubles, piscine, tennis [...] tout fait de ce domaine un site excellent pour un Centre d'éducation générale et sportive ».

Les deux propriétés composant le domaine sont estimées à 1 400 000 francs pour la propriété principale (celle de M. Boisdron, avec le château) et 653 000 francs pour la seconde, appartenant à M. Poumailloux (essentiellement composée de bois). Après avoir appris la valeur de leurs biens, les deux propriétaires souhaitent négocier, puis, monsieur Poumailloux refuse de céder la totalité de ses terrains. Avec l'aide de la loi du 18 juillet 1941, permettant l'expropriation a des fins d'utilité publique pour l'installation des d'établissements d'éducation générale et sportive, le Comissariat passe outre ces difficultés. Les deux propriétaires sont expropriés le 18 juillet 1942[5] mais reçoivent une indemnisation. L'État devient ainsi propriétaire d'un château du XIXe siècle, d'un domaine composé de bois et de prairies sur près de 80 hectares afin d'y installer le nouveau centre de Poitiers.

Les travaux et le déménagement à Boivre

Après la procédure d'acquisition, les services de l'État vont s'atteler à restaurer le domaine et à le valoriser afin d'y installer un centre d'éducation générale et sportive. Le premier défi consiste en la restauration du château, construit au XIXe siècle sur des fondations d'un château médiéval, ravagé par un incendie en 1939[6]. Afin d'avoir une idée précise de la future organisation du centre, Jean Marot évoque dès janvier 1943, l’organisation d'un stage. Rapidement des architectes sont mandatés afin de faire des études sur l'ensemble des travaux à faire mais ils pointent des fragilités dans les fondations et des pièces inadaptées[7]. Face à la faiblesse architectural du bâti, le cabinet Demaret propose à l'administration de tout reconstruire. Ce plan est justifié par les architectes comme « une nécessité face à des frais de remise en état trop importants qui ne sont pas en rapport avec le but recherché »[7]. Malheureusement, on ne sait pas comment a été reçu la proposition par le Commissariat. Face aux coûts, aux manque de matériaux et un durcissement du régime, on peut penser que le projet n'a pas été pérennisé, malgré les plan et les descriptifs proposés.

Proposition du cabinet Demaret pour la construction du CREGS de Poitiers, AD86, 3315W1, rapport n°2 du 31 juillet 1943

Malgré l'acquisition du château de Boivre, les activités du Cregs de Poitiers restent pour l'essentiel à Poitiers. Le propriétaire des locaux de la direction du centre, situé au 24 rue de l'Ancienne-Comédie, demande à la Préfecture d'envoyer une sommation à Jean Marot afin que le centre quitte les lieux. Une bataille épistolaire s'engage alors entre le directeur Marot, appuyé par le Commissariat, et M. de la Martinière[8]. L'argument principal à la défense du centre est que M. Boisdron n'a toujours pas quitté le domaine de Boivre, retardant ainsi le début des travaux et l'installation dans les locaux.

Nous n'avons pas de témoignages de stagiaires ou d'enseignants de l'époque sur cette période de déménagement vers Boivre. Néanmoins, les livres de compte nous permettent de voir que le nouveau domaine a été utilisé dès le stage du printemps 1943. 9 employés supplémentaires ont été recrutés en 1943, venant s'ajouter aux 18 présents régulièrement. Parmi ces nouveaux employés, on ne retrouve que des des femmes et hommes de service ainsi que des cuisinières et aide-cuisinières. Une concierge est embauchée, sans doute pour gérer l'afflux des stagiaires (qui augmente avec l'acquisition de Boivre et l'accélération de la politique de formation sous le commissariat Pascot) et deux jardiniers à plein temps[9]. Des emplois qui étaient loin d'être essentiels avant que le centre commence sont installation à Boivre. Quoiqu'il en soit, la capacité du centre est augmenté avec le domaine de Boivre, mais cette dernière n'est pas pleinement exploitée du fait des difficultés à engager des travaux. Ce qui est probable est que le centre continuait à fonctionner de manière éclatée, avec des stagiaires logés à la fois au château et dans le centre de Poitiers, tout comme l'organisation des activités et des cours[6].

Les travaux du centre ne seront pas terminés avant la fin des années 1940 et la direction de Jean Teissié. Grâce aux dommages de guerre, les travaux du centre pourront s'achever et le domaine sera pleinement utilisé, mettant fin définitivement à son éclatement géographique.

Le Cregs face aux difficultés de la guerre

Le Centre région d'éducation physique et sportive de Poitiers n'échappe à la guerre et à ses restrictions. Plusieurs lettres de Jean Marot évoquent des femmes, employées du centre, qui ont des difficultés depuis que leurs maris sont prisonniers de guerre[10]. Les contraintes s'observent dans l'approvisionnent du centre, notamment dans les fournitures médicales. La production étant réquisitionné par l'occupant, les produits se font rares et sont donc rationnés. Plusieurs lettres et bons pour de l'alcool (afin de désinfecter les plaies), des bandages ou du matériel de consultation (abaisse-langues,...)[11]. Les sources montrent aussi des difficultés dans l'approvisionnement d'équipements sportifs comme des ballons, des chaussures ou des vêtements de sports, néanmoins, elles sont moins nombreuses et moins explicite. Une étude plus poussée et complète des finances du centre pourrait permettre d'en savoir plus sur les dépenses du centre dans ses fournitures et charges.

L'année 1944 est la plus difficile pour le Centre. Début juin, une cinquantaine de soldats allemands s'installent à Boivre. Marot laisse à l'occupant la partie restaurée du château, le personnel devant se contenter « des cuisines, du sous-sol, des étages supérieurs (qui n'ont parfois pas de fenêtres ou de plancher) ainsi que quelques locaux annexes »[12]. Le directeur de l'établissement prête une attention particulière à la sécurité de son personnel et des stagiaires. Ainsi, le personnel non essentiel à Boivre est rapatrié dans le centre de Poitiers. Celles et ceux ne disposant pas d'un logement, sont accueillis par d'autres personnels, dans leurs logements de fonction, comme celui de l'économe ou du directeur lui-même[6]. Jean Marot reste le plus possible sur le domaine de Boivre pour « contrôler l'occupation et éviter les excès qu'elle peut entraîner »[13], mais cette présence n'empêchera pas le vol d'une partie de l'équipement neuf du centre : meubles, outillages, linges...

Dans la nuit du 12 au 13 juin, Poitiers et ses alentours sont bombardés par la Royal Air Force, l'aviation britannique. Vers 1h30, une escadrille de 113 bombardiers largue près de 1 800 bombes sur le quartier de la gare de Poitiers et la vallée de Boivre afin de ralentir la montée vers le nord de la division Das Reich[14]. Dans une lettre du 16 juin, Jean Marot revient sur la situation du centre et indique que tous les stagiaires présents « ont contribués aux travaux de sauvetages et de déblaiements » et que la sécurité des stagiaires n'est plus assurée puisqu'une partie des bâtiments accueillant centre (Institut Bonnafoux, etc.) sont dans les zone sinistrées. Une mise à l'abris des stagiaires, des personnels et de leurs familles est organisée vers le château. Le château sera réquisitionné par la commune de Vounneuil-sous-Biard afin d'y accueillir les sinistrés des environs. Les activités sont donc complètement suspendues[6]. Les sources parlent peu de la période, seulement 3 lettres de Jean Marot.

Avec l'avancée des Alliés, l'armée allemande quitte Poitiers à partir de la fin août 1944. Le 4 septembre, les derniers soldats quittent la région et le 5, Poitiers est libérée par les Forces Françaises de l'Intérieure (FFI). Le groupe Jackie vient immédiatement occuper le centre et jusqu'en novembre 1944. Ce qui atteste de cette occupation des forces de la Résistance sont les actes de réquisitions et les lettres de réclamation adressées à l'administration a posteriori.

Une sortie de conflit floue

Les sources entre août 1944 et le décembre 1945 sont peu nombreuses, ce qui est sûr, c'est qu'entre le bombardement de juin 1944 et avril 1945, aucun stage n'est organisé. De plus, un certain Monteil prend la direction du centre. Dans les archives du Creps de Poitiers, nous retrouvons seulement 3 mentions de son nom : le conseil d'administration du 27 décembre 1944 et deux lettres, à propos des réquisitions du centre à l'automne 1944. Jean Marot a sûrement été évincé de son poste. Après la Libération, près de 4 000 fonctionnaires de l'Éducation Nationale sont suspendus, sanctionnés ou encore licenciés pour avoir participé à l'administration du ministère et de ses services, comme le Commissariat générale à l'Éducation générale et aux Sports[15]. Seule une note de service dans un registre de traitement donne un indice sur la situation du directeur Marot en février 1945 : « de moitié, en attente de décision ».

Les administrations (inspection d'académie, commissariat,...), dont dépend le Cregs de Poitiers, sont elles aussi dans l'incertitude. Elles se demandent quoi faire, s'il faut continuer à appliquer les lois du régime de Vichy ou bien attendre, les centres vont-ils être maintenus ou supprimés, ces questionnements ont des répercussions dans la gestion du centre qui se retrouve ralentie[6]. La nomination du nouveau directeur, et ancien adjoint de Jean Marot, en avril ou mai 1945[16], Jean Teissié, marque un certain retour à la normalité et à la stabilité. En 1946, les Cregs, centres régionaux d'éducation générale et sportive, deviennent Creps, centres régionaux d'éducation physique et sportive, et entrent dans une nouvelle ère.

Références et sources

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Gay-Lescot Jean-Louis, Sport et Éducation physique sous Vichy, 1940-1944, Lyon, PUL, 1991.
  2. AD86, 3371W3, lettre du 5 mai 1941 concernant l'installation du centre, transmise à Jean Marot par l'inspecteur d'académie le 21 mai.
  3. AD86, 3371W1, Correspondance (1941-1944)
  4. 4,0 et 4,1 AD86, 3315W1, Lettre du 24 juillet 1941 de Jean Marot dressant un état des lieux du Cregs de Poitiers.
  5. AD86, 3315W1, sous-dossier relatif à l'expropriation
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 Hugo Bâcle, Le CREGS de Poitiers : installation et fonctionnement d'un établissement d'Éducation générale et sportive (1941-1951), Mémoire de première année de Master, sous la direction de Guillaume Bourgeois, CRIHAM - Université de Poitiers, 2022.
  7. 7,0 et 7,1 AD86, 3315W1, Rapports des 10 mai et 31 juillet 1943 du Cabinet Demaret pour Monsieur le Commissaire aux Sports sur la construction du Centre régional d'éducation générale et sportive de l'académie de Poitiers
  8. 3371W1, Lettres des 28 septembre et 6 novembre 1942, de Jean Marot adressées au Préfet de la Vienne.
  9. AD86, 3371W14, Livres de gages 1943-1947, année 1943
  10. AD86, 3371W3, Lettre du 24 avril 1942
  11. AD86, 3371W1, Lettre du 7 mars 1943 du service d'infirmerie du Cregs.
  12. AD86, 3371W4, Lettre du 13 juin 1944 de Jean Marot adressée au directeur de l'EGS, Jean Coll de Carrera
  13. AD86, 3371W4, Lettre du 28 juillet 1944 de Jean Marot adressée au directeur de l'EGS, Jean Coll de Carrera
  14. Richard Christian, 1939-1945 : la guerre aérienne dans la Vienne, La Crèche, La Geste, 2009.
  15. Rouquet François, « L'épuration administrative en France après la Libération. Analyse statistique et géographique » dans Vingtième siècle. Revue d'Histoire, 1992, pp. 106-117
  16. AD86, 3371W2, Correspondance (1948-1951), Lettre du 3 mai 1945, première à mentionner Jean Teissié comme directeur du centre.